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RAQUETTES À SAINT-FRONT

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Compte-rendu :

Qui connaît bien la Haute-Loire, ce département rural, un peu à l’écart des grandes routes et des lieux de villégiature à la mode ? A n’en pas douter, Bernard qui y est né devrait pouvoir nous en faire découvrir quelques secrets pendant ces trois journées de randonnée à raquettes … Et Lundi, 11h 30, il est devant la porte du Gîte des Mille Fleurs à Saint-Front pour accueillir notre groupe. Les bagages une fois déchargés et les couchages répartis, quoi de plus naturel que de sacrifier au pot amical qui finira de nous mettre dans l’ambiance joyeuse du séjour. Et très vite sortent des paniers les victuailles que chacun a apporté… et le saucisson local de l’épicerie-boulangerie Vidal que Bernard a eu soin de prévoir. Puis les fromages, l’Artisou du Mezenc et le bleu d’Yssingeaux. Tout cela est bien riche.

Point de sieste ! C’est sans état d’âme que le départ sera donné pour la sortie d’échauffement. Nous sommes dans le Pays de Mézenc, à 1240 mètres d’altitude, tout proche du Puy en Velay, d’où partent les pèlerins pour Compostelle empruntant la Via Podiensis. A l’aller, nous n’avons découvert les routes enneigées que tardivement, mais la neige est bien là, moins abondante que prévu mais suffisante pour que nous nous fassions plaisir. Ce pays de massifs volcaniques est riche de chemins de randonnée que nous sommes impatients de découvrir, raquettes aux pieds.

Les paysages du plateau de la Haute-Loire sont d’une beauté austère. Le regard se perd sur un horizon bordé au loin par les montagnes. Quelques arbres dépouillés de leurs feuilles accrochent les rayons du soleil quand il daigne nous faire un clin d’œil. Les clôtures de fil de fer marquent les pâturages enfouis sous la couche de neige et seront les seuls obstacles que nous rencontrerons au cours de nos sorties… Combien en aurons-nous enjambé, levant maladroitement nos encombrantes prothèses ?

Pendant toute la première après-midi, le soleil jouera un peu à cache-cache mais cela ne nous empêchera pas de prendre notre plaisir. Les jeux de lumières sur les champs de neige et dans les branches encore gelées, les contre-jours dans les nuages permettront à nos photographes de sortir un album extraordinairement riche pour nos archives. Devant les eaux gelées du Lac de Saint-Front, nous sacrifierons à la traditionnelle photo de famille. Ce lac est un cratère volcanique dit d’explosion, alimenté par de nombreuses sources souterraines, c’est aussi la source de la Gagne, petit affluent de la Loire. Nous le redécouvrirons sous un autre angle au cours de la randonnée du troisième jour, sous une neige plus abondante tombée entretemps.

Les environs de Saint-Front ne sont pas qu’un plateau uniforme et monotone, même si l’agrément de la neige en fait ressortir la beauté et une forme de sérénité. Ce sont aussi des forêts et chemins creux qui serpentent en épousant les reliefs du massif volcanique usés par le temps. Au cours de la deuxième journée, notre longue sortie éprouvera nos organismes et le retour sera parfois douloureux pour cuisses et mollets. En effet, la couche neigeuse durcie par le froid et le vent que nous avons trouvée le premier jour est remplacée par une neige plus molle et profonde dans les sentiers qui parcourent la campagne. Sans compter la glace et la boue qui nous piègent à certains moments.

Le plateau de la Haute-Loire possède un patrimoine original en termes d’habitat rural, tout à fait typique. Là encore, les origines volcaniques du territoire ont laissé une empreinte forte. Les maisons construites en pierre sombre, aux belles couleurs rousses parfois, patinées par le temps, révèlent également la dureté du climat et des conditions de vie jadis et peut-être encore aujourd’hui. La visite du Hameau de Bigorre-les-Maziaux est une révélation. Les maisons préservées, maintenant protégées, montrent comment les hommes ont appris à vivre ici en se protégeant du froid, du vent et de la neige. Les toits pentus, couverts pour la plupart de chaume de seigle (utilisé pour produire la farine), forment d’immenses chapeaux destinés à protéger les habitants du froid, leur donnant une allure de huttes gauloises (ne sommes-nous pas au pays des Arvernes ?). D’autres toits, plus rarement, sont faits de lauzes : ce matériau plus coûteux devait en effet être acheminé de carrières distantes de plusieurs kilomètres. L’une de ces belles maisons a fait l’objet d’une restauration originale par l’adjonction d’ouvertures modernes qui réussissent à mettre en valeur l’architecture traditionnelle, au grand plaisir de Francis, notre spécialiste… Une rencontre décalée dans un tel environnement, un totem sculpté dans un tronc d’arbre présente une face plus habituelle en Polynésie ou en Afrique.

Le village de Saint-Front lui-même est construit selon les mêmes principes et méthodes. La visite que nous en ferons à l’issue de la première sortie permet d’arpenter les ruelles froides où la glace est bien accrochée parfois. En face de l’école d’où sortent les jeunes Saint-Frontains, l’église (XIIème) massive est impressionnante par son clocher à trois arcades curieusement découpé. Quant à l’intérieur, à l’image du pays, il reflète le côté rude de cette campagne. Nous rencontrerons d’autres bâtisses au cours des trois jours, toutes à l’unisson de cette architecture solide.

Le deuxième jour, notre longue marche nous fera passer par d’étroits sentiers où la neige fait encore ployer les arbres sur le chemin. Il faudra se frayer parfois un chemin entre ces embûches, sans parler des gros blocs de pierre qui, à peine apparents, font aux pieds malhabiles des obstacles trompeurs. En fin de parcours, Bernard, attentif à notre confort, proposera à ceux qui le souhaitent un itinéraire un peu plus court pour s’éviter trop de fatigue : la raquette n’est pas une activité de tout repos !

Le spectacle le plus féerique, nous l’aurons le troisième jour car la neige a fait à nouveau son apparition. Notre guide s’interroge sur le meilleur itinéraire car le froid et le vent sont de la partie. Après avoir longé à nouveau le Lac de Saint-Front, nous retrouvons des sentiers abrités où la neige fraîche et profonde est plus douce et moelleuse. Dans les bois, où les branches sont habillées d’un blanc somptueux, la progression est plus facile. Il faut profiter du spectacle, nonobstant une certaine fatigue qui rend parfois les raquettes un peu lourdes. Mais la troupe est vaillante !

Heureusement, les soirées organisées par Bernard, qui en est à son deuxième groupe accueilli dans le gîte, sont réconfortantes, l’ambiance y est joyeuse et la chère est bonne et abondante. Un hommage sera rendu à une autre richesse du patrimoine local : la lentille verte du Puy en Velay (AOP), accompagnée de belles saucisses goûteuses, issues de l’élevage local… et de quelques bons crus. Et comme nous aimons la diversité, nous élargirons notre curiosité culinaire vers la Savoie avec une raclette savoureuse. Tout cela préparé par des mains expertes, féminines et masculines. Nos estomacs auront été soumis aussi à certains efforts, mais tout est bien passé ! Les réveils n’ont pas été trop laborieux, mais il est vrai que la bonne odeur du café (pour les amateurs) était un motif suffisant pour descendre au plus vite l’escalier.

Voilà comment trois journées en Haute-Loire vous refont une santé ! D’ailleurs, cette terre de contraste à l’image un peu sévère, sans doute liée au climat montagnard, aura pourtant vu naître à Saint-Julien de Chapteuil l’auteur d’un ouvrage humoristique qui eut son heure de gloire, Jules Romains, qui écrivit Les Copains, histoire d’un canular sur fond de vie locale auvergnate, portée plus tard à l’écran par Yves Robert, premier réalisateur de La Guerre des boutons.

Que l’initiateur et organisateur de cette belle sortie soit remercié de ses efforts pour nous satisfaire. Encore un bon souvenir à inscrire dans l’histoire de Randouvèze !
Gérard Langlois.

Photos : B. Dubesset, F. Guerbette.

 

 

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